Cariatides en pied,16 rue d’Abbeville
Cariatides en pied,16 rue d’Abbeville X eme arrondissement
Architecte, Georges Massa, sculpteur Alexandre Chapuy, 1900
Erigé en 1899 sur le terrain ouvert par le prolongement de la rue d’Abbeville vers la rue du Faubourg Poissonnière en 1894, cet immeuble de rapport frappe le regard par les deux groupes de figures monumentales qui ornent le support des encorbellements de la façade d’angle et de la façade donnant directement sur la rue d’Abbeville. C’est un exemple remarquable d’architecture art Nouveau, ce qui est paradoxal puisque son architecte, Georges Massa, ne fut pas l’un de ceux qui l’adoptèrent dès le début, préférant s’y adapter sans jamais le reprendre complètement à son compte. L’ensemble est marqué par le goût du relief et du décor, aussi délirant dans la pierre que peut l’être son voisin au n° 14, dans la céramique. Les grandes statues féminines, figures féminines casquées de coquillages et à demi nues, auxquelles on a souvent reproché un certain manque de sveltesse, se cambrent contorsionnées autour d’un cartouche, aujourd’hui vide, mais qui contenait jadis un angelot. Ce sont des statues de grande taille qui se détachent sur la façade et attirent le regard. Elles portent des casques en forme de coquillages et semblent protéger la fenêtre qu’elles encadrent. A la différence des cariatides classiques, elles ne soutiennent aucun entablement ou aucune avancée. Elles sont placées sur des consoles décorées de motifs marins dont celui du mouvement de la vague porté en avant. Cette décoration ainsi que celle des coquillages ornant la tête des statues évoquent des divinités marines (nymphes de la mer : néréides). L’idée décorative est ici évidente bien que traitée avec une certaine originalité ; les statues reprennent la courbe qui caractérise l’art Nouveau avec une certaine souplesse et sans aucune raideur classique ; on s’éloigne ici de l’archétype traditionnelle de la cariatide néo – classique. L’encadrement est formé en haut par les bras des deux statues, alors qu’un côté de leur corps encadre le balcon créant une composition montrant qu’elles entourent et protègent le balcon formant la base du bow window abondamment sculpté et comportant un énorme œil de bœuf. Les cariatides flanquent deux travées verticales de bow windows ayant à leur base cet œil de bœuf, et qui se terminent par un fronton richement décoré.
Au long des fenêtres s’étagent des ornements sculptés : mascarons, consoles, frontons triangulaires, grappes de fleurs et de fruits. A l’avant dernier étage , les fenêtres sont séparées par des têtes de lions sommant de gros pendentifs à motifs végétaux, tandis qu’au dernier étage, ce sont des demi – colonnes engagées dont le motif s’incruste dans le comble habité qui marque les intervalles entre les fenêtres. La profusion de décors architecturaux variés donne l’impression d’accumulation de décoration et d’équilibre soigneux, car il fallait beaucoup de talent pour faire tenir une telle décoration sur la façade d’un immeuble. L’intérieur de l’immeuble a lui aussi été très travaillé. Dans le vestibule, des groupes de deux colonnes délimitent six panneaux ornés de guirlandes végétales, de frises illustrant des jeux d’enfants et de têtes d’enfants et de jeunes femmes. Dans l’escalier les vitres sont peintes de motifs floraux. Ce bel immeuble est dû à l’architecte Georges Massa et au ciseau de Alexandre Chapuy, sculpteur statuaire qui demeurait 21 – 23 rue Saint Vincent de Paul. C’est par erreur qu’il a quelquefois été attribué à Jules Lavirotte.