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Cariatides,atlantes, sculptures en façade à Paris
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13 juin 2012

Sculpture, le Néo Clacissisme

Sculpture : néo – clacissisme

 

a) La place du néo – clacissisme dans l’art du XIX eme siècle

 

Défini pendant le premier quart du XIX eme siècle, le néo – clacissisme se prolonge tardivement au cours du siècle. En France, il va bénéficier de circonstances favorables : pour affirmer sa filiation avec le Premier Empire, le Second reprend à son compte le style qui avait eu la faveur de celui – ci , et dont le choix devient systématique pour les monuments à Napoléon Ier qui se multiplient alors : déjà, Pierre Simart (1806 – 1857 ) avait fait appel à l’allégorie et à l’Antiquité pour les bas reliefs destinés au tombeau de l’empereur aux Invalides (1846 – 1853) ; en 1859, Eugène Guillaume (1822 – 1905) exécute tout naturellement un Napoléon en costume antique – c’est la première fois pour une grande statue – destinée à l’atrium de la Maison Pompéienne du Prince Napoléon ; en 1863, la charge politique du néo – clacissisme s’affirme : le « Petit Caporal » en redingote de Charles Emile Seurre (1798 – 1858) , placé au sommet de la Colonne Vendôme en 1833, est remplacé par un Napoléon en empereur romain, d’Augustin Dumont (1801 – 1884 ) , qui se voulait une reconstitution de la première statue , celle d’Antoine Denis Chaudet (1763 – 1810) , jetée bas en 1814. Dénoncé l’année suivante lorsque fut exposé à l’extérieur du Palais de l’Industrie ; mais en même temps que celui de Guillaume, le grand Napoléon équestre (1859, plâtre, détruit) de Jean Baptiste Clésinger (1814 – 1883) destiné à la cour de Napoléon Ier au Louvre, ce « déguisement romantique » (Thoré Burger, 1864, p.144)[1] n’en continua pas moins à être apprécié et c’est encore en empereur romain, sur le modèle du Marc Aurèle de la place du Capitole à Rome, qu’Antoine  Louis Barrye (1796 – 1875) , par exemple représente Napoléon au Monument des frères Bonaparte à Ajaccio.

Encouragé par le régime, sans que celui – ci exclue cependant d’autres formes d’expression, le néo – clacissisme profite également de l’appui de l’Académie des Beaux Arts dont dépendent l’Ecole des beaux Arts à Paris et l’Académie de France à Rome et qui se montre, elle, beaucoup plus étroite dans ses goûts.

Pour qui voulait réussir, il fallait nécessairement obtenir le prix de Rome or celui – ci se préparait auprès de professeurs eux – mêmes anciens lauréats du concours de Rome et membres de l’Institut. Il menait à la Villa Médicis où la tutelle de l’Académie des Beaux Arts se faisait encore sentir grâce au système des envois et des rapports. On recommandait sans cesse aux élèves d’étudier l’Antique « source et type éternel du grand art »[2], de façon à s’en imprégner, l’Institut craignant plus que toute la tentation que pouvait représenter l’Italie contemporaine. Ainsi, Eugène Guillaume qui, par la suite, cumulera toutes les récompenses et dignités possibles et fut élu à l’Académie française en 1899 pour ses écrits sur l’art, apparaît comme le modèle des pensionnaires : son premier envoi, le cénotaphe des Gracques  (plâtre, envoi de 1847 ; bronze, Paris Musée d’Orsay) reprenait un type de monument funéraire courant sous la République et au début de l’Empire romain, et tout au long de son séjour romain, il resta fidèle à l’inspiration antique ; bien plus qu’une image du travail, le Faucheur (1849, plâtre ; bronze Paris musée d’Orsay), sa figure de dernière année , est une étude de nu inspirée d’un modèle antique, le gladiateur Borghèse (Louvre). De la même façon, Eugène Lequesne (1815 – 1887) est incapable de s’évader d’une forme classique : son Camulogène assis, nu (1872, marbre, Lille, musée des Beaux Arts) n’a de gaulois que la moustache et la chevelure.[3] Le vieux chef qui défendit Lutèce avec acharnement au moment de la septième campagne de César en Gaule avait bien plus l’aspect de celui qui médite en philosophe sur la défaite que d’un chef militaire. Le poids de la tradition s’alliant à des circonstances politiques favorables, le néo – clacissisme apparaît donc sous le Second Empire comme style officiel et, à l’Exposition universelle de 1867, les deux grandes médailles sont données à deux artistes qui le représentent sous son aspect le plus rigoureux, Guillaume, symbole du sculpteur officiel de la seconde moitié du XIX eme siècle, et Joseph Perraud (1819 – 1876) dont les œuvres laissent percer une certaine angoisse romantique sous leur forme classique.

 

b) La question du nu et de l’antique

 

Bien représenté dans les salons, préféré en raison de son sérieux pour les bâtiments officiels, ce qui n’est pas surprenant s’agissant d’un palais de justice, mais semble plus étonnant à la gare du Nord, le néo – clacissisme offre des avantages certains ; les représentations des héros de la mythologie sont aussi un prétexte plausible pour fournir les nus et les draperies dont la sculpture a besoin. Qui dit néo – classique dit aussi nu idéalisé ou drapé à l’antique, composition équilibrée et sans passion et exécution en marbre considéré comme le matériau le plus noble. Cependant le héros néo – classique paraît décalé et mal adapté par rapport au monde moderne. Une des premières questions posées est celle du nu. Rares sont les sculpteurs qui, tel Auguste Ottin (1811 – 1890), ont su trouver dans le monde contemporain des sujets le justifiant. Même si le réalisme est désormais bien implanté en peinture et en littérature, il ne saurait encore en être question en sculpture en dehors du portrait et, lorsque Charles Alphonse Achille Gumery (1827 – 1871) présente un moissonneur au Salon de 1859 (plâtre, détruit) il ne s’agit que d’une étude de nu. Un critique tel que Maxime du Camp, même s’il n’en nie pas les qualités, condamne le nu au nom du réalisme : « Je sais que le nu  est, jusqu’à un certain point , la loi fondamentale de la sculpture, mais encore faut – il que cette loi puisse s’appliquer sans choquer outrageusement le bon sens ; ou bien il faut admettre que la coiffure constitue le costume, et l’instrument de la profession [….] Parce que l’Antiquité a souvent donné la nudité à ses dieux, on s’imagine avec une simplicité excessive qu’on imite les anciens en faisant nu un faucheur qui repasse sa faux [….]. Pour Dieu, qu’on ôte le chapeau, la faux, la peau de bique, la pierre à repasser ; qu’on mette un caleçon à ce personnage et, puisqu’il faut absolument qu’il soit nu, qu’on l’intitule « un faucheur à l’école de natation ».(1859) Et Jules Vallès de renchérir : »Vous savez bien pourtant que sous le climat de Paris, il pleut et il fait froid, que les pauvres ont leur guenilles trempées, les reins transis, les pieds gelés ; vous savez bien qu’on arrêterait l’homme qui jouerait du chalumeau en feuille de vigne, sans chemise, ni caleçon […] Pourquoi alors sculpter des gens nus ?» (1868).[4]

Mais tous n’ont pas pris ce parti : Jules Cavelier (1814 – 1894) pour sa Pénélope du Salon de 1849, exposée dès 1842 sous le titre « Femme grecque endormie », joue sur le drapé et les détails pittoresques, chaise, panier, bijoux, et remporte un grand succès et le duc de Luynes achète le marbre pour son château de Dampierre. La Pénélope fut si répandue qu’en 1862 elle fit l’objet d’un rébus dans le « Monde Illustré ».[5]

Tout en plaçant aux – aussi l’Antiquité au – dessus de tout, les esprits les plus avancés, Castagnary, Thoré Burger, Théophile Gautier, Maxime Du Camp etc... Dénoncent l’absurdité qu’il y a à vouloir l’imiter et la stérilité à laquelle cette imitation ne peut que mener ; face à un Léon Lagrange qui pose en axiome : « L’Antiquité païenne qui a élevé si haut l’art statuaire reste pour les sculpteurs de tous les temps une excellente  source d’inspiration » (1861), Maxime Du Camp rétorque : « Le procédé est fort simple : on prend à l’Antinoüs la tête, au Germanicus les pectoraux, au Bacchus les Jambes, et on fait, de pièces et de morceaux , une statue d’homme ; les statues de femmes s’obtiennent de la même façon : la Vénus de Milo fournit le visage, Polymnie prête ses draperies, la Diane d’Ephèse donne le mouvement et le reste… »(1857)[6]

(Références à Agrippine portant les cendres de Germanicus (1859  – 1861, marbre, fort du Mont Valérien) de Jacques Léonard Maillet (1823  – 1895), l’Education de Bacchus (1857 – 1863, marbre, Lons le Saunier, musée), de Perraud).

Toutes ces œuvres, dont la plupart furent immédiatement achetées par l’Etat, se recommandent par une sérénité ou tout au moins un équilibre qui met en valeur leurs qualités formelles qui sont unanimement appréciées au plan esthétique, y compris par Thoré Burger ou Maxime Du Camp. Mais ils soulignent aussi le manque de flamme divine et d’inspiration, le fait que nombre de ces œuvres ne tiennent que du seul point de vue de l’équilibre des formes. Ce n’est certes pas par manque de talent, mais c’est aussi parce que les sculpteurs antiques croyaient à des choses auxquelles nous ne croyons plus, relève Du Camp. David d’Angers le dit à propos de Simart : « L’Antique » est un champ qui devient rapidement stérile si l’on apporte en y moissonnant de sa propre inspiration »(1878).



[1] L’art Du XIX eme siècle 1850 – 1905, p.193, Paris, 1990

[2] L’art Du XIX eme siècle 1850 – 1905, p.193, Paris, 1990

[3] L’art Du XIX eme siècle 1850 – 1905, p.193, Paris, 1990

[4] L’art Du XIX eme siècle 1850 – 1905, p.194, Paris, 1990

[5] L’art Du XIX eme siècle 1850 – 1905, p.194, Paris, 1990

[6] L’art Du XIX eme siècle 1850 – 1905, p.195, Paris, 1990

 

 

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